3 jours, deux nuits en bivouac, course du CAS, T4.
Dates: 25-27 juin
Lundi 25 juin:
Lausanne-Malesco au Val Vigezzo, puis taxi pour Fondo di Gabbi 1256m.
Apparemment les taxis ne vont pas plus haut.
Montée à l'Alpe Scaredi 1841m, T2, 1h30.
Montée au bivouac de la Bochetta di Campo, 1996m, T3, 2h, quelques chaînes.
C'est une magnifique ligne de crête au bord de la réserve intégrale du Val Grande,
zone très reculée et peu fréquentée, on y trouve des aigles et des chamois.
La source d'eau est en contrebas.
Total: 3h30, +738m.
En cas de temps sec et sans orages, montée possible au Pedum 2111m, T4 .
Mardi 26 juin:
Crête pour la Cima della Lauresca 2195m, T3, 1h30.
Bifurcation Cimone di Cortechiuso 2180m, T2, 30'.
Bifurcation Bochetta di Terze, 1800m, T4, 2h30.
Descente au bivouac Pian di Boï 1120m, T2, 1h30.
Mercredi 27 juin:
Montée incertaine dans les rhododendrons pour atteindre le Pitto Marona 2051m, T4, 3h30.
Crête jusqu'au Monte Zedda 2156 m, T3-T4, 2h.
Passo Folungo 1369m.
Descente sur Falmenta 678m, T2, 2h30.
Taxi pour Malesco.
Train pour Lausanne.
RAPPORT DE COURSE
Finalement nous sommes cinq pour partir à la découverte de ce parc magnifique et sauvage, le plus grand d’Italie, le Val Grande.
Il est devenu parc national en 1991, sa superficie (150 km2) est comparable à celle de notre parc national (170 km2). Le centre (973 ha) est une réserve totale, il est bordé au sud par le mont Pedum 2111 m, que nous avions prévu de gravir.
Le parc, connu aussi comme le parc des vipères, est entouré de montagnes et de cols à près de 2000 m, ce qui fait qu’il y a peu de touristes.
Je vais vous raconter une brève histoire du parc, tirée du livre ”Val Grande” de Paolo Crosa Lenz.
Les habitants du Val Grande vivaient essentiellement d’apiculture et de la coupe du bois, d’ailleurs les Suisses ont installé des téléfériques qui ont aidé à saigner à blanc le Val Grande. Pendant la guerre, les fascistes et les allemands traquèrent à mort les résistants et quelques monuments témoignent de cette triste époque.
Après la guerre, il se dépeupla et le dernier alpage, l’Alpe Serena, fut abandonné en 1969 et le parc devint silencieux.
Les dernières coupes de bois datent des années 1945 et 1953, après la forêt commença à renaître et les habitations à s’écrouler.
En 1967, il faut décidé de créer une réserve naturelle (9,73 km2) qui fut plusieurs fois agrandie pour devenir un parc national en 1991. Il est géré par treize communes voisines qui maintiennent une dizaine de refuges-bivouacs où on trouvera le toit, le bois et l’eau. Il n’est pas possible de réserver et il peut y avoir des surprises, mais les quatre fois que j’ai visité le parc, je n’ai jamais été pris au dépourvu.
A la lisière du parc, il y a quelques refuges gardiennés et le parc compte un seul village habité et accessible en voiture, Cigogna, au sud-ouest. C’est la porte d’entrée la plus facile.
Dans le parc, les seuls endroits avec du réseau sont sur certaines lignes de crête, il ne faut donc pas compter sur des secours, nous sommes livré à nous-mêmes, certains sentiers ont disparus, d’autres sont mal balisés ou très exposés, certains torrents sont infranchissables, il vaut donc mieux se renseigner avant de se lancer à l’aventure.
Venons-en au compte-rendu de trois jours.
• Lundi 25
Nous sommes partis de Lausanne en train à 6h18, à Malesco 9h16, le prontobus vous attendait pour nous mener à Fondo di Gabbi, 1200 m, au Val Loana, cela nous épargne 500 m de dénivelé et 2h de montée. Vers 10h, le sac lourd, trop lourd, nous partons d’un bon pas, au soleil, et par un bon chemin (T2) pour l’Alpe Scaredi, 1841 m, où se trouve un joli bivouac, un des plus grands du parc. Nous pique-niquons et nous montons à la Bochetta di Scaredi, 2095 m, qui est une des portes d’entrée du parc. là, oh surprise, des bancs de brume font des volutes au sud de la crête, nous la suivons, par un joli sentier T3 avec quelques chaînes, l’impression est assez féerique, le soleil à droite et la brume à gauche! Un italien que nous croisons nous dit que le sentier du Pedum est totalement enneigé, il s’est avéré que ce n’était pas le cas! Vers 15h, nous sommes à la Bochetta di Campo, 1979 m, une petite maison avec un poële, et deux étages. Un allemand peu causant s’y trouve déjà.
Nous renonçons à gravir le Pedum (T4-T5) car il se trouve dans le brouillard.
Pendant que Frédy prépare avec peine le feu, Isabelle, Joëlle et moi descendons, 120 m plus bas, chercher de l’eau avec des jerrycans. Remonter un bidon de 10 litres d’eau n’est pas agréable comme expérience! Les filles finissent leur toilette au ruisseau.
Puis nous faisons bouillir une grande marmite d’eau pour le thé et les repas lyophilisés, il nous faut faire la plus grande attention pour ne pas être brûlé par l’eau bouillante, car les secours ne seraient pas près de venir. Pourtant nous avons du réseau...swisscom!!!
En vue du petit-déjeûner du lendemain, nous préparons du bois avec une toute petite hache, et les dames reçoivent des leçons de coupes de bois...
Deux jeunes italiens arrivent, employés du parc, ils font un contrôle des locaux et le lendemain, l’hélicoptère amènera du bois. Je fais remarquer aux dames qu’ils sont assez mignons, Isabelle avait déjà remarquer que le plus mignon et macho avait un piercing au téton!
Isabelle donne un coup de balai au second étage, notre dortoir, puis commence l’exercice complexe du gonflage des matelas, trois techniques sont éprouvées.
Dehors, un chamois peu farouche nos approche en tournant la tête de manière comique. Nous voici parti pour le pays de Morphée, enfin certains au moins.
Mardi 26
Réveil vers 6h30, brouillard complet (grand beau à Lausanne). Nous sommes contraintsde renoncer définitivement au Pedum, d’autant plus que la journée est chargée.
Je décide d’attendre, à quoi bon marcher sur une merveilleuse ligne de crête si on n’y voit rien! Mon précieux adjoint Bert me dit qu’il faudra quand même partir et vers 8h30, nous démarrons dans la brume évanescente.
Nous arrivons au pied de la Cima della Laurasca, 2195 m, et nous y montons sans les sacs, quel soulagement! La vue est magnifique, le soleil ayant levé une partie du brouillard.
Puis nous reprenons les sacs pour plus de 2 h de marche sur le céèbre sentiero Bove, T4-T5, nous nous contenterons du T4, qui est déjà très exigeant, 2h de concentration sans relâche, les passages exposés ne sont pas sécurisés et le moindre faux pas serait fatal.
Il est important d’avoir un petit groupe de personnes ayant le pied sûr et une absence de vertige, cela permet au chef de course d’être un peu moins inquiet.
Je suis allé très lentement, comme dans un film au ralenti. Techniquement, sauf un ou deux passages, ce n’était pas difficile, mais c’est la longueur du trajet dans des faces abruptes qui se succèdent sans fin, avec toujours ce vide qui nous appelle, et ces brumes fantasmagoriques, ces tours, ces rochers aiguisés, tordus, qui surgissent du néant, ces vires herbeuses et traîtres, ces pas d’escalade et de désescalade.
C’est la première fois que je vis une telle expérience.
Nous passons à la Bochetta di Cortechiuso, nous évitons la Cimone di Cortechiuso, 2183 m, et nous pique-niquons vers 13h au Cima Marsicce, 2135 m.
Arrivés à la Bochetta di Terza, 1836 m, commence une longue descente en prairie, puis en forêt jusqu’à l’Alpe Pian di Boït, 1130 m.
Mais avant, un petit torrent nous offre un bain froid et délicieux.
Notre bivouac est au milieu d’une jolie prairie, avec une fontaine à quelques pas, trois tchèques y sont installés et il n’y a que huit places.
Bert est déjà parti reconnaître le départ du sentier du lendemain.
Je propose de faire le feu dehors, et le cérémonial du souper recommence.Mercredi 27
Réveil à 6h15, départ à 7h30.
Le départ du sentier, T2, est difficile à trouver, il est en forêt, plus ou moins balisé, des chutes d’arbres nous contraignent à des détours qui nous font perdre le chemin.
Nous arrivons aux ruines de l’Alpe Aura, 1357 m, après 1h30 de marche au lieu des 45’ prévues.
Nous cherchons avec peine la suite du chemin, et je demande à Bert une deadline avant de rebrousser chemin (le plan B étant de descendre au village de Cigogna, 4 h de marche). Il me propose 30 minutes. Nous cherchons tous, saut Frédy qui est un peu démotivé, il faut dire qu’il traîne une petite crève.
Le sens de l’orientation de Bert nous permet de trouver le sentier disparu sous les rhodos, Bert le devine en regardant les lignes de faiblesse des barres de rochers. Il nous faut 5 h pour arriver au col et à la Capella della Marone et son bivouac, 2000 m, avec un couloir raide au final, Frédy a pesté maintes fois après ce terrain de m.
Encore une petite montée délicate et nous voilà au sommet du Pizzo Marone, 2051 m. Pique-nique. Puis départ pour la ligne de crête du Monte Zedda 2156 m, T3 câblé. Frédy préfère éviter le sommet, les quatre autres admirons la vue sur les montagnes environnantes et le lac Majeur avec un ciel azur, une beauté qui nous coupe le souffle.
La descente vers le col est cotée T2, mais elle se rapproche plus du T3 et nous prend plus de temps que prévu.
Nous ́evitons le Monte Vada, 1814m, et arrivons au bivouac du Monte Vada, ou` se trouvent des chevaux. Nous allons ensuite au Passo Folungo 1369m.
Je constate que nous n’arriverons pas à temps pour le taxi commandé à Falmenta et je cherche, avec Bert, des plans B. Le manque de réseau rend l'usage des téléphones compliqués... Pour finir, l’office du tourisme de Druogno me dit qu’ils n’ont rien réservé et me donnent des numéros de taxis. Enfin une longue et harassante descente en forêt nous mène à Crealla, 620 m, ou` les taxis nous emmènent à Domodossola pour 200 euros, car il n’y a plus de train... A Domodossola, nous avons 35 minutes pour le café, la bière et les délicieux gelatis de la gare. Rentrée en wagon restaurant et arrivée à Lausanne à 10h42.
Merci à tous!
